
Au-delà du simple fait que je suis un lecteur assidû du canard, je suis peiné de voir une tête de plus tomber sous les fourches caudines des actionnaires... .. d'un actionnaire devrais-je dire, le principal, depuis un an : Edouard de Rothschild.
Cofondateur avec Jean-Paul Sartre du journal Libé , Serge July a manifesté durant 33 ans un style et une indépendance éditoriale singulières, qui ont fait de ce journal un acteur incontournable de l'information française.
Je suis triste et affligé de constater le désamour des français pour la presse écrite. Par son éclectisme, la presse nous donne des points de vue différents sur l'actualité, angles variés qui permettent aux lecteurs d'affiner son opinion et sa sagacité.
Hélas, la majorité des français se contentent souvent d'un journal du 20 heures médiocre, orienté souvent, des gratuits distribués à la sortie du métro, incessamment à la recherche du "tout pour rien." Et le rien n'a pas de secret en matière journalistique : il se limite aux dépêches de l'AFP , sans investigation ni débats contradictoires. Le débat... qui forme et aiguise la réflexion, un exercice qui nous distinguait jusqu'ici de la bête, a de moins en moins court.
Serge July devait peut-être partir pour des raisons purement professionnelles ? On se souviendra de sa diatribe éditoriale après le "non" au référendum sur l'Europe, notamment. On sait qu'il était le chef d'une équipe aux courants multiples qui faisaient la richesse et l'intérêt de ce journal. Sans lui, qu'en sera-t-il?
Il fait donc le choix (l'avait-il vraiment) de partir afin de permettre à M. de Rothschild de recapitaliser et de relancer le journal...
Je crains que ce quotidien ne change radicalement... Avec le départ de Serge, c'est une page de l'histoire du journalisme indépendant et contestataire qui se tourne.
Ce changement, ce séisme, intervient dans un contexte très dur pour tous les journaux payants. D'ailleurs, le parallèle avec ce qui se passe à Paris Match est intéressant : en effet, le directeur de l'hebdomadaire, Alain Genestar, est lui aussi débarqué par son actionnaire principal, Arnaud Lagardère. Dans cette affaire, point de problème financier, non, seulement la mainmise du politique sur le média. Pour orienter ? M. Genestar aura eu le tord d'afficher en Une de l'hebdo une photo de l'ex-actuelle-future concubine du grand Vizir, je veux parler de Nicolas Sarkozy bien sûr. Lagardère, meilleur ami dudit vizir en a tiré les conséquences .
Incroyable, non ?
Mais le plus incroyable c'est qu'Arnaud Lagardère n'ait pas jugé bon d'informer les lecteurs de Paris Match sur le fait qu'il a fait racheter via la caisse centrale des dépôts (le contribuable) le tiers de ses actions EADS en mars dernier! La Caisse centrale des dépôts en est pour une moins-value de 240 millions d'euros, conséquence du "dévissage" de 27% du titre à l'annonce du possible retard de livraison de l'A-380.
Le Monde, détenu aussi par Lagardère n'y a consacré qu'un article de 278 mots. Libération, comme d'autres quotidiens, en a parlé. Cette clairvoyance sera-t-elle possible sans Serge?
Au revoir et merci Serge. On te retrouve chez Christine ?
1 commentaire:
Excellent article johann ! ... ce journal, je m'en délectais quand je prenais le train, le soir au coin du feu, dans ma chaise longue sous la ramure des grands chênes, plaisir du corps et de l'esprit intimement mêlés.
La presse agonise c'est évident et nous regretterons cette audace de ton, cette pertinence.
Mais le consommateur reste le maître, ne l'oublions pas ; acheter ou ne pas acheter, un bon moyen de boycotter un produit de consommation.
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